Nanomatériaux dans les cosmétiques : Cosmed démèle le vrai du faux
Addendum Juillet 2021 – Communiqué de presse
Nombreux sont les industriels qui se tournent vers Cosmed à la suite d’inspections mettant en évidence la présence de nanomatériaux alors même que la personne responsable ne pensait pas en utiliser. Une personne responsable qui est souvent dépendante des données et de l’analyse des fournisseurs. Et pourtant en cas de non-conformités c’est elle qui sera impactée par des sanctions allant jusqu’au retrait du marché des produits concernés
Il convient ainsi de rappeler les obligations, règles et pratiques au sujet des nanomatériaux.
Certaines substances peuvent être nano du point de vue de l’obligation R-nano et non nano du point de vue du règlement cosmétique (CE) n°1223/2009, et réciproquement
VRAI
Le règlement cosmétique européen défini un nanomatériau comme « un matériau insoluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externes, ou une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm ; »
Cette définition est différente de celle retenue dans le décret français n°2012-232 vers qui il convient de se tourner pour la déclaration française R-nano « substance fabriquée intentionnellement à l’échelle nanométrique, contenant des particules, non liées ou sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont une proportion minimale des particules, dans la distribution des tailles en nombre, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1nm et 100 nm. ».
Des différences reposent ainsi sur les notions d’intentionnalité, d’insolubilité, de bio-persistance et de prise en compte de la structure interne.
De même la recommandation de la Commission Européenne n° 2011/696 donne une définition encore différente en évoquant un seuil de 50% : « un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm. ».
La définition du nanomatériau sera prochainement harmonisée
VRAI
La stratégie européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques publiée le 14 octobre 2020 prévoit de revoir et d’harmoniser la définition des nanomatériaux avec pour délai indicatif l’année 2021 afin d‘assurer une cohérence dans les différentes législations. Pour ce faire des discussions sont en cours au sein des groupes de travail européens, comme par exemple le groupe de travail « nanomatériaux » sur les produits cosmétiques qui s’est réuni le 28 janvier dernier, réunion à laquelle Cosmed a participé en tant que membre.
Les silices sont en partie solubles et donc considérées comme non nano
FAUX
LeSCCS, dans son avis sur la silice (SCCS/1606/19[1]), précise le seuil de solubilité à prendre en compte : 33.3g/L (défini selon l’USP 38 et l’USP 38NF33[2]) alors que le seuil de 100mg/L revient assez fréquemment chez les industriels induisant des non-conformités. Le SCCS précise que compte-tenu des valeurs de solubilité des silices évaluées dans l’avis SCC/1606/19, aucune ne peut être considérée comme soluble au regard du règlement (CE) n° 1223/2009.
Il n’existe pas de méthode de tests officielle pour détecter les nano
VRAI
Il n’existe pas de méthode officielle, mais il y a quand même des avis exprimés par le JRC, l’OCDE et d’autres publications qui portent sur cette question ; Les protocoles de tests utilisés pour définir le critère nano ainsi que la préparation de l’échantillon ont, dans certains cas, une forte influence sur les résultats. Il convient avant tout d’utiliser une(des) méthode(s) appropriée(s). Il est d’ailleurs recommandé pour fiabiliser les résultats de coupler différentes techniques d’analyse.
Nombreux sont les fournisseurs qui revendiquent une forme non nano de leur matière première sur la base d’une analyse par DLS (diffusion dynamique de la lumière) ou granulométrie laser. Or ces analyses ne permettent pas de différencier les agrégats/agglomérats des particules primaires et génère des faux négatifs du fait d’une surestimation des tailles de particules. Seule, cette analyse ne permettra pas de défendre le caractère non nano d’une substance.
La Microscopie à Balayage Electronique (MEB) est une technique de référence pour la caractérisation nanométrique
VRAI FAUX
Cette technique permet d’observer la présence de nano grâce à une mesure directe de la taille des particules primaires. Elle prend également en compte la notion de critère en nombre que ne fournissent pas ou de manière erronée les techniques indirectes.
Quant à la technique sp-ICPMS, elle peut être également utilisée par les autorités de contrôle pour certaines matrices, certains éléments et certaines formes de particules. En revanche elle ne peut être appliquée à tous les nanomatériaux car pouvant présenter des biais comme ne pas permettre de distinguer des sous-populations de caractéristiques de tailles différentes.
Addendum Juillet 2021 : La MEB est l’outil privilégié des autorités françaises pour caractériser les nanos. Toutefois, suite à un contrôle, des analyses menées séparément par l’administration et par un industriel, sur une même matière première (TIO2), dans deux centres d’analyses par la technologie MEB ont révélé des résultats différents. La technologie MEB est affectée par une variabilité des résultats; Cosmed, comme le SCCS et le JRC, recommande de coupler une analyse MEB et une analyse sp-ICPMS de manière à fiabiliser les résultats.
Les agrégats et agglomérats ne sont pas considérés comme nano
FAUX
Pour confirmer le statut nano il s’agit de s’intéresser à la particule primaire ou structure interne. Les agrégats de nanoparticules (liaisons fortes) ou agglomérats de nanoparticules (liaisons faibles) sont
considérés comme relevant de la définition d’un nanomatériau.
Il n’existe actuellement pas de technique capable de dire si les liaisons entre particules sont fortes (covalentes) ou faibles (électrostatiques). Par exemple les nanoparticules de titane qui sont greffées en surface de plaquette de mica correspondent à des matériaux nanostructurés susceptibles de libérer des nanoparticules.
Certaines méthodes de préparation de l’échantillon, et notamment la sonication, peuvent créer des particules nano en cassant la matière
VRAI FAUX
Sur des matériaux types oxyde métallique comme du TiO2, ZnO, des oxydes de fer ou même de la silice, la sonication va tout simplement désagglomérer les particules. Cette méthode n’est pas assez puissante pour casser une particule en deux. Elle permet seulement de casser les agglomérats. Ceci est très important pour avoir une bonne préparation des échantillons pour une analyse par MEB.
Par contre sur certains matériaux comme les plaquettes d’hydroxyapatite, les argiles ou le carbonate de calcium extrait de manière naturelle la sonication peut provoquer l’apparition de fragments nanométriques.
Il existe un seuil à partir duquel une substance contenue dans un mélange est considérée comme nano
FAUX
La définition du terme « nanomatériau » retenue par le règlement cosmétique n’inclut pas de seuil minimal : « un matériau insoluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externes, ou une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm« .
Ainsi tout ingrédient dont la courbe de distribution de tailles de particules comporte des valeurs inférieures à 100 nm doit être considéré comme un nanomatériau, sous réserve des informations relatives à sa solubilité et sa bio-persistance.
Toutefois, la DGCCRF applique une tolérance de 10% en nombre de nanoparticules aux résultats d’analyses réalisées sur des produits prélevés lors des contrôles. Cette approche permet notamment de couvrir les incertitudes de mesure et de se prémunir de la situation où la présence de nanoparticules résulte d’une contamination environnementale.
La personne responsable ne peut être tenue responsable de la présence de nano si le fournisseur atteste l’inverse
FAUX
Le caractère nano d’une matière première est à déterminer au cas par cas en fonction des caractéristiques de la substance. C’est à la personne responsable de la mise sur le marché du produit cosmétique que revient la responsabilité d’analyser l’ensemble des données pour conclure sur le caractère nano ou non de l’ingrédient qu’elle utilise. Le fournisseur ainsi que l’évaluateur de la sécurité doivent « participer » à cette analyse de manière à procéder à une étude juste et complète.
Si mon fournisseur atteste que la substance est non-nano je n’ai rien à vérifier
FAUX
En l’état des connaissances actuelles et données disponibles, une simple attestation de ‘‘non nanomatériau’’ sans preuve que des analyses adéquates aient été effectuées n’est pas de nature à répondre aux exigences du règlement. Une courbe de distribution de tailles de particules, exprimée en nombre de particules, doit étayer le raisonnement du fournisseur.
Si le fournisseur d’ingrédients n’est pas en mesure de fournir cette preuve, il est de la responsabilité de la personne responsable de mener les analyses adéquates.
[1] SCCS/1606/19 OPINION ON solubility of Synthetic Amorphous Silica (SAS)
[2] USP 38 and USP 38 – NF 33: The Pharmacopeia of the United States of America (USP), Thirty-Eighth Revision and the National Formulary (NF) Thirty-Third Edition – General Notices and Requirements.