Révision de la Recommandation « Produits solaires » : les sujets en discussion
Les travaux pour la révision de la Recommandation “Produits solaires” de la Commission européenne ont commencé au début de l’été 2024. Lors des Cosmetic Days organisé par Cosmed le 3 décembre, Caroline Bassoni, Directrice des affaires réglementaires de l’association, a présenté les axes de réflexion actuels et l’état des discussions, qui vont se poursuivre dans les prochains mois.
L’objectif clé de cette Recommandation de 2006 était de garantir la sécurité des consommateurs et d’éviter au maximum la survenue des cancers de la peau, autour de trois axes :
• assurer un niveau de protection solaire suffisant,
• orienter le choix du consommateur vers le produit le plus approprié pour sa protection,
• le conseiller pour qu’il appliquer son produit concrètement de la meilleure manière.
Cet objectif global n’a pas changé aujourd’hui, mais la révision du texte a semblé nécessaire du fait de quelques faiblesses qui sont apparues depuis 2006 :
• il a le statut d’une législation non formelle, et, même s’il est plutôt bien appliqué et reste une référence dans le monde entier, il n’est pas contraignant juridiquement,
• il fait référence à des législations et des méthodes devenues obsolètes, puisque depuis, par exemple, le Règlement 1223/2009 est entré en application et que de nouvelles normes ISO ont été publiées,
• son champ d’application se limite aux solaires “primaires” alors que de nombreux produits de soin avec SPF, qu’on appelle maintenant solaires “secondaires”, sont apparus sur le marché ces dernières années,
• les conseils de prudence et d’application des produits n’empêche pas une augmentation constante du nombre de cancers de la peau, ce qui incite à pense que la communication à ce sujet pourrait être améliorée.
Les discussions sur cette révision ont été ouvertes en juin 2024, au sein d’un sous-groupe dédié créé par la Commission européenne. Il réunit services de la commission, représentants des États membres, de l’industrie et des associations de consommateurs. L’objectif est de finaliser et publier le nouveau texte fin 2025 / début 2026.
Les points qui ne nécessitent pas d’ajustements
Tout n’est pas à jeter dans la Recommandation de 2006. Certains points restent pertinents et devraient rester à l’identique ou quasi. Parmi eux :
• la notion de longueur d’onde critique de 370 manomètres pour couvrir un large spectre de rayonnement,
• la préférence donnée, pour les tests, aux méthodes in vitro quand elles sont validées, pour éviter autant que faire se peut les tests in vivo éthiquement contestables,
• l’exigence d’allégations simples, non ambiguës, claires, et fondées sur des critères normalisés reproductibles (avec très certainement une référence aux Critères Communs publiés après la Recommandation),
• l’interdiction des allégations globalisantes sur le niveau de protection (protection à 100 %, écran total, prévention toute la journée, etc.).
Les points en discussion
Les catégories de protection
Le groupe de travail se questionne sur la pertinence des catégories actuelles et des niveaux de FPS qui y sont associés.
Les quatre catégories actuelles (Faible protection, Moyenne protection, Haute protection, Très haute protection) sont assez simples et ont l’avantage d’être assez simples et d’être bien comprises par les consommateurs. Un consensus semble se dégager pour les conserver telles quelles, même si certains, comme la France par la voie de l’Anses, plaide pour n’en garder que trois.
Un débat s’est également sur le niveau minimum de protection FPS. Aujourd’hui, il est fixé à un FPS de 6. Pour certains, un FPS de 6 à 10 est tout à fait acceptable sir le produit est bien appliqué, pour d’autres, il est trop faible pour assurer une protection efficace et devrait être revu à la hausse à un minimum de FPS 15.
Enfin, on parle aussi de revoir les niveaux de FPS associés à chaque catégorie de protection, par exemple en supprimant l’échelle de FPS de chaque catégorie pour la remplacer par une seule valeur cible.
Le niveau de protection UVA
Gros débat ici, puisque certains États membres comme les Pays-Bas, estiment que le ratio actuel (UVA = 1/3 du FPS) est insuffisant pour assurer une protection UVA suffisante, allant même jusqu’à plaider pour un niveau équivalent (UVA = FPS).
D’autres ont démontré la pertinence de ce ratio pour tous les produits de protection solaire, et ont évoqué la possibilité de l’appliquer aussi pour les produits solaires “secondaires”.
Avec peut-être un ratio renforcé (type 1/2) pour certains produits destinés aux peaux les plus sensibles au soleil (phototypes plus foncés, avec des troubles de l’hyperpigmentation ou des affections cutanées photosensibles…).
La considération des solaires “secondaires”
Cette catégorie de produits n’est pas explicitement couverte par la Recommandation de 20026, mais elle est plébiscitée par les consommateurs.
Il semble évident qu’elle doit être intégrée dans le nouveau cadre légal.
Cela doit passer par une définition des produits qui entrent dans le champ d’application du texte, avec une formule qui pourrait faire référence aux “produits de protection de la peau contre les effets nocifs des rayons UV”, et peut-être aussi par une définition de ce qu’est un produit “primaire” et un produit “secondaire”.
Certains poussent à une distinction affichée entre “primaires” et les “secondaires”, par exemple avec un logo ou un indicateur unifié, de façon à clarifier le type d’exposition (à la mer, à la montagne, pour les travailleurs à l’extérieur… et les scénarii d’utilisation.
Il devrait y avoir aussi des instructions d’utilisation et des avertissements adaptés (par exemple, pour un fond de teint avec FPS : “Ce produit n’est pas adapté pour s’exposer au soleil de manière prolongée”).
“C’est le type de piste en investigation”, a expliqué Caroline Bassoni. “Mais on est vraiment au début de débat et je dois dire c’est le sujet qui a fait le plus l’objet d’échanges lors de la dernière réunion du groupe de travail”.
La révision de l’étiquetage
Le constat est clair : la compréhension par les consommateurs des notions de FPS et d’UVA est très limitée des notions de SPF et UVA et La diversité des allégations et des étiquettes rend difficile le choix d’une protection solaire adaptée.
Il faut clarifier cette communication et faire passer les bons messages.
Tout le monde est d’accord pour une simplification de l’étiquetage, la question est de savoir comment.
Une première piste serait de ne garder que les catégories de protection et d’éliminer, au moins progressivement, l’affichage du FPS. Mais elle ne fait pas l’unanimité.
Autre piste : la suppression du logo UVA, qui deviendrait inutile si la protection UVA était obligatoire pour tous les produits. Quitte à créer un autre logo pour les produits qui aurait une protection UVA renforcée…
La résistance à l’eau
Cette notion est absente de la Recommandation de 2006. Mais ce paramètre est critique pour certaines utilisations, notamment à la plage.
L’idée serait de l’inclure dans le futur texte, en intégrant un requis pour certains types d’utilisation et en spécifiant la norme associée.
La mise à jour des références
Il s’agit là simplement d’une opération de “nettoyage” pour faire référence au nouveau contexte réglementaire et normatif (Règlement Cosmétiques, Critères communs sur les allégations, nouvelles versions de normes ISO…).
Et pour éviter de devoir régulièrement réviser ce futur texte, les numéros de version de normes ISO ne serait pas forcément cités.
Un texte plus que jamais de référence
“Beaucoup de choses sont encore à discuter”, a conclu Caroline Bassoni, “mais on peut dire qu’il n’y a pas trop de doutes sur le fait que ce sera un texte juridiquement contraignant, une Décision ou un Règlement. La Commission européenne doit revenir vers nous après avoir vérifié avec son service juridique le format le plus pertinent.
Et le challenge ultime est d’essayer de conserver le leadership réglementaire qu’a l’Europe, pour continuer à inspirer le monde. Il faut que dans l’élaboration du texte, on considère aussi sa compatibilité internationale”.