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Cosmétiques et microbiome : un cadre réglementaire… en construction !

Le 9 octobre 2023

Les micro-organismes vivants sont-ils des ingrédients cosmétiques ? Les produits destinés à avoir une action sur le microbiome cutané entrent-ils dans le champ du Règlement Cosmétiques européen 1223/2009 ? Alors que la tendance “microbiotique” se développe, le cadre réglementaire, lui, est toujours en discussions. Lors de la JEST (Journée d’Échanges Scientifiques et Techniques) qui s’est tenue le 5 octobre 2023, Sybille Millet, de Cosmed, a fait le point sur le sujet.

Au niveau européen, le débat sur le statut réglementaire de la cosmétique “microbiotique” a été initié en 2018, au sein du groupe de travail sur les produits “frontière”, sur la base d’un constat :de plus en plus de produits revendiquaient déjà des actions sur le microbiome ou intégraient des micro-organismes dans leurs formules.
Parallèlement, les discussions au sein de l’ICCR (International Cooperation on Cosmetics Regulation) ont permis de trouver un consensus sur des définitions relatives au microbiome et applicables aux produits cosmétiques. Dans un document publié en juin 2022, l’ICCR a donc posé les bases qui ont permis de reprendre les travaux (toujours en cours) en Europe.

Les définitions de l’ICCR

Le microbiote est défini comme l’ensemble des micro-organismes (bactéries, champignons, archées, microalgues, protistes) présents dans un environnement défini. Il peut s’agir du corps humain ou de certaines parties du corps, comme la peau ou le tube digestif.
Le microbiome est une communauté microbienne caractéristique qui occupe un habitat raisonnablement bien défini et qui possède des propriétés physiochimiques distinctes. Le microbiome ne se réfère pas seulement aux micro-organismes concernés, mais englobe également leur théâtre d’activité, qui aboutit à la formation de niches écologiques spécifiques. Cela inclut leur matériel génétique, ainsi que des molécules structurelles, comme les enzymes, les lipides membranaires ou les polysaccharides.
Il faut noter que les deux termes, “microbiote” et “microbiome”, ne sont pas synonymes, puisque le microbiote se réfère uniquement aux micro-organismes, alors que le microbiome inclut également leur potentiel fonctionnel.
Le microbiome cutané est présent sur toute la surface de la peau, y compris dans la cavité buccale et sur les surfaces mucosales des organes génitaux externes. La composition du microbiome cutané est dynamique, spécifique à chaque site, mais diffère également d’un individu à l’autre.

L’ICCR a également établit les définitions permettant de catégoriser les différents micro-organismes.
Les probiotiques sont définis comme des micro-organismes viables (actifs ou dormants) ajoutés à un produit cosmétique et destinés à apporter un bénéfice cosmétique à l’hôte sur le site d’application, soit directement, soit par le biais d’un effet sur le microbiome de l’hôte, lorsqu’ils sont utilisés en quantités adéquates.
Les micro-organismes actifs sont généralement définis comme des organismes en croissance, dont le nombre et/ou la biomasse augmente, quand les micro-organismes dormants ne se développent pas, mais conservent leur activité métabolique.
Les postbiotiques sont des ingrédients inanimés d’origine microbienne ajoutés à un produit cosmétique en vue d’un bénéfice cosmétique. Ces composants peuvent être des cellules ou des fractions cellulaires, un filtrat de fermentation ou un métabolite d’un micro-organisme.
Les paraprobiotiques sont des ingrédients dérivés de micro-organismes probiotiques inactivés ajoutés à un produit cosmétique avec un bénéfice cosmétique prévu. Les paraprobiotiques peuvent être des cellules microbiennes inactivées ou des composants de structures cellulaires (par exemple des parois cellulaires), avec ou sans métabolites.
Les paraprobiotiques sont donc un sous-groupe des postbiotiques.
Les prébiotiques sont des substrats (hydrates de carbone ou autres nutriments, par exemple) ajoutés à un produit cosmétique pour être utilisés par le microbiome de l’hôte, avec un bénéfice cosmétique prévu pour l’hôte.
Alors que les pro-, post- et paraprobiotiques sont définis par leur origine microbienne, le terme prébiotique décrit une fonctionnalité et est indépendant de son origine. Par exemple, un postbiotique peut également être (fonctionnellement) un prébiotique.

Le débat européen

Deux questions principales sont au cœur des discussions européennes :
• si les prébiotiques et postbiotiques sont considérés comme des ingrédients cosmétiques comme les autres, qu’en est-il des probiotiques, qui sont des micro-organismes vivants ?
• peut-on considérer que les produits revendiquant une action sur le microbiome ont une fonction cosmétique, et entrent donc dans la catégorie des produits cosmétiques ?

L’utilisation de probiotiques

Première question : l’utilisation de bactéries vivantes est-elle autorisée en cosmétique ?
“Le Règlement Cosmétiques ne l’interdit pas explicitement”, a indiqué Sybille Millet. En revanche, s’il n’impose pas que les produits cosmétiques soient stériles, il exige qu’ils soient sûrs pour le consommateur.
Il faut donc distinguer les micro-organismes non désirés, dont la présence doit être limitée dans le produit, et les micro-organismes ajoutés intentionnellement, dont il faudra prouver la sécurité, ainsi que la maîtrise du contenu tout au long de la durée de vie du produit, pour prévenir l’apparition de germes non désirés, ce qui suppose un système de conservation bien adapté.
La stabilité du produit dans le temps devra aussi être maîtrisée.
Tout cela peut être délicat, mais “en pratique, aujourd’hui, les micro-organismes dormants sont utilisés préférentiellement aux probiotiques actifs”, a souligné Sybille Millet.

Deuxième question : sachant qu’un produit cosmétique est défini comme une substance ou un mélange par le Règlement 1223/2009, peut-on considérer qu’un micro-organisme vivant est une substance ou un mélange ?
“Cela peut paraître un sujet très basique”, a commenté Sybille Millet, “mais aujourd’hui, il faut convaincre les États membres et la Commission de cette possibilité”.
Il y a plusieurs arguments allant dans ce sens :
• un probiotique est utilisé, comme tous les autres ingrédients cosmétiques, dans une formule dans un but cosmétique ;
• son utilisation n’est pas incompatible en cosmétique ;
• les conditions de maîtrise de la stabilité et de la sécurité du produit devraient rendre son utilisation possible.

L’action sur le microbiome

Retour à la définition d’un produit cosmétique, qui indique les fonctions qu’il doit remplir : nettoyer, parfumer, modifier l’aspect, protéger, maintenir en bon état les parties superficielles du corps humain, ou corriger les odeurs corporelles.
D’où la question : l’action sur le microbiome est-elle une fonction cosmétique ?

Là encore, Sybille Millet a présenté les arguments en faveur d’une réponse positive :
• le microbiome est une partie de la peau, en superficie du corps humain,
• agir sur le microbiome a pour but d’obtenir un bénéfice cosmétique, et la fonction finale est bien cosmétique,
• certains produits cosmétiques, répondant bien à la définition d’un cosmétique, comme les déodorants, ont déjà ce mode d’action.

Les prochaines étapes

C’est sur ces bases que les discussions continuent dans le groupe de travail de la Commission européenne. L’enjeu pour l’industrie est des faire valider l’utilisation de ces ingrédients et produits, de manière à assurer leur conformité reconnue.
Un consensus est espéré pour 2024 ou 2025, et devrait être officialisé par le biais de la publication d’un guide ou de lignes directrices.

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